Principe de la non rétroactivité du règlement :

Cet arrêt illustre le principe en vertu duquel un règlement ne peut comporter un effet rétroactif. Si, tout au long du XIXème siècle, le Conseil d’État a annulé les actes administratifs rétroactifs, l’arrêt Société du journal "L’Aurore" pose pour la première fois de façon explicite "le principe en vertu duquel les règlements ne disposent que pour l’avenir".

Un arrêté du 30 décembre 1947 avait majoré le prix de l’électricité à compter du premier relevé postérieur au 1er janvier 1948. Il avait donc pour effet de majorer les consommations antérieures au 30 décembre 1947, date de son édiction, et comportait ainsi un effet rétroactif. Sur le recours de la société du journal "L’Aurore", le Conseil d’État annula donc l’arrêté en tant qu’il comportait un effet rétroactif illégal et en profita pour affirmer solennellement et explicitement l’interdiction faite aux règlements de régir le passé.

Au XIXe siècle, la jurisprudence avait eu tendance à considérer qu’un règlement comportant un effet rétroactif était entaché d’une incompétence ratione temporis dans la mesure où les auteurs de ce règlement, en régissant des situations passées, empiétaient, en quelque sorte, sur la compétence de leurs prédécesseurs. L’arrêt Société du journal "L’Aurore" donne toute sa portée à cette interdiction de disposer pour le passé en posant "le principe en vertu duquel les règlements ne disposent que pour l’avenir". Le Conseil d’État a toujours veillé avec fermeté au respect de ce principe par le pouvoir réglementaire. Il a ainsi été conduit à annuler l’application d’un impôt nouveau à des exercices déjà clos (Ass. 16 mars 1956, Garrigou , p. 121), un règlement modifiant rétroactivement la situation statutaire de certains fonctionnaires (Ass., 11 juillet 1984, Union des groupements de cadres supérieurs de la fonction publique , p. 258), une nomination prenant effet dans le passé (Sect. 25 mars 1983, Conseil de la région parisienne des experts-comptables et comptables agréés , p. 137), l’acte d’une collectivité territoriales prévoyant son entrée en vigueur à une date antérieure à celle de sa transmission au préfet (Sect., Ville de Nemours c. Mme Marquis , p. 320).

Réf : C.E. arrêt Société du journal " L'Aurore"  --  Date : 25/06/1948

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